Activité partielle de longue durée : la route sera longue…
Afin de répondre aux difficultés déclenchées par la crise sanitaire, le législateur a élaboré un dispositif d’activité partielle dénommé « activité réduite pour le maintien en emploi » – parfois intitulé « activité partielle de longue durée » (APLD) – destiné à assurer le maintien dans l’emploi dans les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité[1]. Certaines modalités de ce dispositif sont susceptibles de faire l’objet d’un accord collectif de branche ou d’entreprise.
Dans ce contexte, la branche des bureaux d’étude (IDCC 1486, dite Syntec) a conclu un accord de branche sur un « dispositif spécifique d’activité partielle » (DSAP), signé par l’ensemble des autres organisations syndicales.
Force ouvrière a décidé de ne pas se porter signataire, en raison d’un texte inabouti et par lequel – par dérogation à la loi – l’employeur peut ensuite procéder de manière unilatérale.
Une régulation de branche nécessaire mais qui ne doit pas épuiser le débat
Dans le contexte actuel, l’ouverture d’un dispositif exceptionnel d’activité partielle constitue une solution qui peut être utile dans des entreprises de la branche dont les entreprises clientes relèvent de secteurs durement touchés, ainsi que dans des entreprises dépourvues de représentation syndicale. Pour cette raison, FO s’est investie dans la négociation de cet accord. L’effort consenti au niveau des indemnisations supra-légales, l’élargissement de l’éligibilité du dispositif aux salariés au forfait, les possibilités offertes au niveau de la formation constituent des éléments positifs pour lesquelles FO a été force de revendications.
Pour autant, nous demeurons collectivement responsables d’une solution en faveur du salarié mais dont le coût incombera au contribuable. Un accord de branche ne doit par ailleurs pas priver les salariés et leurs représentants de négociations et d’échanges sur ce sujet. Le chemin sera long et plein de rebondissements, plus ou moins liés à la Covid. FO n’entend pas donner les clefs de ce dispositif au patronat dans ces conditions.
Or, de nombreux éléments démontrent que cet accord été construit davantage pour les grandes entreprises (notamment les règles relatives aux intercontrats, le recours aux suppressions d’emplois en dehors des PSE, la capacité de « périmétrer » les effectifs de l’entreprises, …), en passant rapidement sur la justification d’un recours au DSAP : réduction d’activité durable, lié à la crise sanitaire et sans être de nature à compromettre leur pérennité.
Dans le même temps, l’accord dégrade les dispositions légales en ouvrant la fenêtre d’une décision unilatérale de l’employeur, et en fermant la porte au dialogue social dans les entreprises pourvues d’instances représentatives du personnel, notamment aux organisations syndicales représentatives dans les entreprises – seules habilités à négocier – qui se retrouvent écartées, par cet accord, de la possibilité de négocier et d’améliorer l’accord de branche.
Le niveau de la branche – niveau de régulation économique et sociale – devient alors un outil de compétitivité au sein des entreprises de la branche, ce qui n’est pas le but recherché par FO. En ne paraphant pas cet accord, FO conserve sa capacité à s’exprimer dans les entreprises sur une utilisation justifiée et proportionnée de l’activité partielle longue durée.
FO reste fondamentalement attachée aux trois grands niveaux dévolus à la négociation collective, l’interprofessionnel, les branches et les entreprises, et à leur articulation, sans que la négociation à l’un de ces niveaux prive les représentants aux autres niveaux de la possibilité de négocier.
Les éléments du débat à poursuivre
Les protections différenciées des salariés au sein de l’entreprise
L’accord de branche saisit la possibilité qui lui est offerte par la loi de « périmétrer » le dispositif, c’est-à-dire de distinguer parmi les salariés ceux qui bénéficieront du dispositif de ceux qui n’en bénéficieront pas. Seuls les premiers bénéficieront des engagements unilatéraux de l’employeur en matière d’emploi et de formation professionnelle. Plans de départ volontaire et ruptures conventionnelles collectives peuvent en outre survenir.
Cette restriction aux seuls salariés touchés par le dispositif d’APLD – bien que possible – n’est pas ce que la loi et le décret ont prévu par défaut. Par défaut, les dispositions et engagements des employeurs concernent l’intégralité des emplois de l’entité – établissement ou entreprise – dans laquelle le dispositif d’APLD est appliqué, même si ce n’est que pour une partie des salariés. Les signataires de l’accord de branche n’ont pas souhaité conserver aux textes légaux toute leur généralité.
Autant d’éléments qui ne peuvent pour FO demeurer dans la seule main de l’employeur.
Ces règles ouvrent la voie à des fractures entre les salariés que FO s’emploiera dans les entreprises à surmonter plutôt qu’à justifier par un accord de branche.
Les effets de seuil sur l’indemnisation APLD
La branche des bureaux d’étude avait saisi l’occasion d’une crise financière afin de se doter d’un régime d’activité partiel plus ambitieux que celui forgé par le législateur. L’accord de branche de 2013 – signée par FO et à durée indéterminée – sur l’activité partielle a ainsi fixé des niveaux d’indemnisation supérieurs à ceux fixés par la loi. Ces stipulations ont permis de protéger de manière plus précoce et plus importante les salariés de la branche.
L’accord sur l’APLD, inspiré de l’accord de 2013, améliore – de manière temporaire – les niveaux d’indemnisation légaux à 70%, mais génère des effets de seuils et des situations d’injustice. En subiront tout particulièrement les effets les jeunes salariés entrés depuis peu sur le marché du travail. Dans la branche, une majorité possède une location en région parisienne en Ile-de-France, avec des charges fixes importantes. Au regard de l’importance des effets de seuil, les politiques salariales des entreprises risquent d’être impactées.
FO portera au sein des entreprises les solutions adaptées pour remédier aux inégalités créées par ces règles d’indemnisation.
FO a proposé un mécanisme permettant une indemnisation plus juste au titre de l’activité partielle
Les conséquences de l’indemnisation APLD
L’indemnisation au titre de l’APLD n’emporte pas les mêmes conséquences que le versement d’une rémunération. Certaines règles ont été posées afin de limiter les effets négatifs de cette différence de nature. Par exemple, FO a obtenu que les salariés placés en APLD ne soient pas exclus pour la répartition de la participation et de l’intéressement.
Il demeure cependant des effets indésirables, comme une moindre protection des salariés placés en APLD s’ils devaient avoir recours aux garanties de la prévoyance complémentaire.
FO s’appuiera par conséquent sur cet accord de branche qu’elle a contribué à forger, mais continuera à construire sa mise en œuvre dans chaque entreprise de la branche où elle est présente.
Paris, le 11 septembre 2020
Contacts :
Cathy SIMON, Secrétaire de la Section fédérale des services – services@fecfo.fr
Robert BERAUD, Négociateur de la branche des bureaux d’étude
Nicolas FAINTRENIE – 06.21.00.17.01
[1] Article 53 de la loi n°2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire et décret n°2020-926 du 28 juillet 2020 relatif au dispositif spécifique d’activité partielle en cas de réduction d’activité durable.